La conclusion d’un accord collectif : obligation pour avoir recours aux forfaits jours
On ne peut recourir au forfait jours que si un accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou, à défaut, une convention ou un accord de branche le prévoit expressément (C. trav., art. L. 3121-63).
À savoir : l’accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe, même moins favorable, prime sur l’accord ou la convention de branche.
- Par exemple, si la convention de branche prévoit une rémunération minimale pour les salarié·es en forfait jours et que l’accord d’entreprise en prévoit une moins importante, c’est la rémunération prévue dans l’accord d’entreprise qui s’appliquera.
En l’absence d’accord collectif autorisant le recours aux forfaits jours, aucune convention individuelle de forfait jours ne peut être valablement conclue. Les conventions éventuellement conclues sont nulles. Le temps de travail est donc calculé en heures et non en jours. Les salarié·es qui auraient été soumis·es au dispositif de forfait jours en l’absence d’accord collectif les y autorisant peuvent donc agir pour obtenir le paiement des heures supplémentaires accomplies.
Ainsi, avant de conclure une convention individuelle de forfait jours, il est conseillé de vérifier, éventuellement auprès de son employeur, qu’un accord collectif relatif au forfait jours est applicable dans l’entreprise.
La conclusion d’un accord collectif : les clauses obligatoires
Le Code du travail impose un certain nombre de clauses obligatoires aux accords collectifs qui autorisent le recours au forfait jours (C. trav., art. L.3121-64). En l’absence de ces clauses, l’accord collectif encourt la nullité et les conventions individuelles de forfait jours conclues sur sa base également.
Ainsi, avant d’envisager une éventuelle action en contestation de sa convention de forfait, il est conseillé de lire l’accord collectif qui autorise le dispositif et de vérifier l’existence des clauses obligatoires. Elles sont listées à l’article L.3121-64 du Code du travail.
Si l’accord collectif ne contient pas les clauses obligatoires suivantes (ou si celles-ci sont insuffisamment précises) :
– les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du/de la salarié·e
– Les modalités selon lesquelles l’employeur et le/la salarié·e communiquent périodiquement sur la charge de travail du/de la salarié·e, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise alors l’employeur peut prendre des mesures supplétives pour éviter la nullité des conventions de forfait. Ces mesures supplétives (C. trav., art. L.3121-65, I) sont :
- l’établissement d’un document de contrôle du nombre de jours travaillés faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées (1). Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être rempli par le/la salarié·e ;
- l’employeur s’assure que la charge de travail du/de la salarié·e est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires (2) ;
- l’employeur organise une fois par an un entretien avec le/la salarié·e pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération (3).
Si l’employeur ne met pas en place ces mesures supplétives ou que celles-ci ne sont pas suffisantes (et que l’accord collectif ne prévoit rien ou est insuffisamment précis) alors la convention individuelle de forfait jours est nulle.
De manière plus générale, si l’accord collectif est valide, mais que l’employeur n’applique pas les mesures prévues, alors la convention individuelle de forfait est inopposable aux salarié·es. Elle redevient opposable dès lors que l’employeur applique les mesures prévues dans l’accord. L’inopposabilité signifie que la convention est privée d’effet à l’égard du salarié et que celui-ci peut donc agir pour obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées.
La conclusion d’un accord collectif : les exigences relatives au droit au repos et à la santé
La chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que les accords collectifs qui autorisent le recours aux forfais jours doivent également assurer la garantie du respect :
- de durées raisonnables de travail (1) ( soc., 5 oct. 2017, n° 16-23.106, n° 2195 FS – P + B) ;
Remarque : cette exigence rappelée par la Cour de cassation est très utile étant donné que les salarié·es en forfait jours ne sont pas soumis es à la durée maximale de travail, car celle-ci se décompte en heures, ce qui est incompatible avec le forfait jours.
Si l’accord collectif ne les prévoit pas, la convention de forfait est inopposable.
- des repos, journaliers et hebdomadaires (2) ( soc., 17 déc. 2014, n° 13-22.890, FS – P + B ; Cass. soc., 5 oct. 2017, n° 16-23.106, n° 2195 FS – P + B). Si l’accord collectif ne les prévoit pas et qu’aucune disposition supplétive suffisante n’est mise en œuvre par l’employeur, la convention de forfait est inopposable.
- du caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail (3) ( soc., 27 avr. 2017, n° 16-13.654). Si l’accord collectif ne le prévoit pas et qu’aucune disposition supplétive suffisante n’est mise en œuvre par l’employeur, alors la convention de forfaitjours est nulle.
L’obligation de consultation du CSE
Le Comité social et économique est consulté sur la mise en place (1) et l’exécution (2) du forfait jours dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-8, 3°).
Si l’employeur applique directement un accord de branche sur le sujet, sa décision unilatérale doit être précédée de la consultation du CSE.
Remarque : la non-consultation du CSE n’est vraisemblablement pas de nature à affecter la validité de la convention de forfait, mais peut être constitutive d’un délit d’entrave.
Le CSE a un rôle qui peut être important en matière de forfait jours. Les élu·es peuvent remonter à l’employeur des situations de surcharge de travail ou d’épuisement des salarié·es en forfait jours.
Ainsi, il est très utile de se rapprocher des élu·es du CSE ou des CSSCT lorsqu’elles existent afin de leur faire part des problématiques rencontrées lors de l’exécution du travail en forfait jours.
Propositions de l’Ugict-CGT
Rétablir le principe de faveur : un accord d’entreprise ou d’établissement ne peut qu’améliorer un accord de branche.
Tout·es les salarié·es relevant d’un accord collectif invalidé doivent être rétabli·es dans leurs droits. En particulier, les rappels de salaires sur les heures supplémentaires doivent être automatiques avec rétroactivité sur 3 ans, comme le prévoit la législation.